Une narration est un message global, communiqué par des textes, des images, des métaphores et d’autres moyens. Par exemple, le fait de dépeindre de manière répétée des politiciens individuels comme des escrocs finira par établir un récit selon lequel les politiciens, en général, sont corrompus et trompeurs.
La narration est une technique qui consiste à raconter une séquence d’événements réels ou fictifs liés entre eux. À l’origine, cette technique a été inventée pour guider les gens sur les comportements appropriés, l’histoire culturelle, la formation d’une identité communautaire et les valeurs, comme cela est particulièrement étudié aujourd’hui en anthropologie chez les peuples indigènes traditionnels.
Le fondateur de ReclaimTheFacts, Peter Metzinger, a reconnu ces techniques de manipulation dans le contexte de l’infodémie de la pandémie COVID-19. C’est cette prise de conscience qui a conduit à la fondation de ReclaimTheFacts ainsi qu’à des recherches sur les origines d’une grande partie de la désinformation et des théories du complot diffusées en Occident dans les usines à trolls russes.
La narration se retrouve dans toutes les formes de créativité humaine, d’art et de divertissement, y compris le discours, la littérature, le théâtre, la musique et la chanson, les bandes dessinées, le journalisme, le cinéma, la télévision et la vidéo, les jeux vidéo, la radio, les jeux de hasard, les loisirs non structurés et les performances en général.
On peut également trouver des narratifs dans certaines peintures, sculptures, dessins, photographies et autres arts visuels, pour autant qu’une séquence d’événements soit présentée. Plusieurs mouvements artistiques, comme l’art moderne, refusent le narration au profit de l’abstraction et du conceptuel.
La narration est également une cléde la désinformation, utilisée stratégiquement pour convaincre les citoyens de certaines théories au fil du temps et pour encourager la méfiance et la fragmentation sociale. Les organismes de désinformation pro-Kremlin, par exemple, utilisent un ensemble de narratifs qui servent de modèles pour des histoires particulières et peuvent être adaptés à un public cible. Bien entendu, des narratifs différents sont utilisés pour des publics différents.
Certains des narratifs pro-Kremlin sont utilisés depuis des centaines d’années. Des variations du narratif de “l’Ouest en décomposition” sont documentées depuis le 19e siècle. Évidemment, ces narratifs peuvent être combinés et modifiés en fonction des événements actuels et des attitudes dominantes.
LES ELITES VS. PEUPLE
Un bon exemple de ce type de narration largement répandue est celui des élites contre le peuple. Basé sur l’idée que les “élites maléfiques” sont déconnectées des besoins du “peuple”, c’est un trope populiste commun qui peut être particulièrement puissant pendant les cycles électoraux. Nous l’avons vu à maintes reprises auparavant, un parti ou un candidat populiste, qui prétend être la “voix du peuple” ou “la majorité silencieuse“, déploie ce récit pour attaquer l’establishment politique et offrir aux électeurs des solutions faciles à des problèmes complexes.
Ce discours a connu un grand succès car il a permis de désigner un bouc émissaire que le public cible peut accuser de tous ses griefs : banquiers, grandes entreprises, juifs, oligarques, musulmans, bureaucrates de Bruxelles.
Le narratif des élites contre le peuple a une longue histoire, plus que centenaire. Ses promoteurs prétendent être la voix de la raison et défendre les citoyens privés de leurs droits, en disant la vérité au pouvoir contre les élites qui cherchent à cacher la “vérité” à tout prix.
La “vérité” peut se rapporter à une grande variété de questions, y compris la migration, la politique et l’économie, tandis que les élites particulières jugées “coupables” de cacher la vérité sont stratégiquement sélectionnées pour répondre aux griefs du public cible.
En effet, ce narratif peut être adapté et appliqué à un nombre apparemment infini de questions : ” La crise migratoire est causée par les grandes entreprises afin d’obtenir une main-d’œuvre bon marché ; ” Le canular du réchauffement climatique est utilisé par les banquiers pour détourner l’attention du public des problèmes du monde réel “. La liste est longue…
En fin de compte, alors que ce narratif semble à sa surface sympathiser avec les gens ordinaires, ses racines sont en fait strictement autoritaires. Des preuves sont rarement fournies pour étayer les affirmations faites et, suivant les principes de la pensée conspirationniste, l’absence même de preuves est parfois utilisée comme une preuve : “Voyez comme les élites sont puissantes, en cachant toute trace de leur conspiration !”.
Typiquement, ce type de narration exige également que le lecteur se fie exclusivement à la parole du narrateur : “Je connais la vérité, faites-moi confiance !” En effet, comme tous les récits basés sur des théories de la conspiration, celui-ci exige de son public qu’il accepte les affirmations sur la base de la foi plutôt que des faits.
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